J’ai un petit faible pour les objets en papier maché car j’aime beaucoup restaurer les objets en volume.
Avant de vous montrer quelques unes de mes restaurations, voici un peu l’historique de ces jeux de foire.
En fait, ces jeux de passe-boules ou mange-boules ont été très en vogue dans les Années 1900 mais ils existaient à la fin du XIXe siècle (dès les années 1880) et amusaient déjà les enfants chez eux ou sur les fêtes foraines. La qualité esthétique et poétique de ces jeux s’est dégradée au fil des années. Leur fabrication a continué encore dans les années 1930 pour pratiquement disparaître dans les années 50. Les plus anciens étaient souvent totalement en papier maché ou carton pressé, matériau qui permettait tous les reliefs et exagérations dans le style des caricatures mordantes très en vogue entre 1880 et 1900. Il fallait d’abord faire un ou plusieurs moules puis presser à la main les feuilles de papier épais encollé pour bien épouser tous les creux de ces moules.
On a aussi fait des passe-boules en partie en bois (socle ou support avec des cases) et enfin tout en bois et donc plus simples, moins « vivants » et expressifs que ceux en papier maché. Ils représentaient souvent le visage ou le buste d’un personnage grotesque avec la bouche grande ouverte que l’on visait en lançant des balles de chiffon remplies de son qui retombaient souvent dans des cases donnant un certain nombre de points au joueur.
passe-boules représentant Mme Charnier, une des premières femmes cocher, métier autorisé aux femmes en 1907
Cela pouvait aussi représenter des personnages connus (Charlie Chaplin, Mme Charnier, l'une des premières femmes cocher - voir ci-dessus) et caricaturés (le tennisman Borotra par exemple que vous verrez plus bas, Hitler, des officiers, des gardes-champêtres, des juges, des Pierrot, des clowns, Polichinelle, Bécassine…) ou encore des animaux (têtes de lion, de chats, de chiens, de canards, de grenouilles, de coqs en pied, tel que Chantecler au moment de la sortie de la pièce de théâtre d'Edmond Rostand en 1910 …)
On y jouait aussi beaucoup dans les guinguettes au bord de l’eau et ils avaient souvent des proportions importantes (en général entre (50 cm et 1 m) et étaient le plus souvent en bois car utilisés en extérieur. Cette tendance au grotesque et au burlesque est lié aussi au besoin de se moquer, de déformer, comme c'était le cas dans les carnavals qui avaient lieu dans presque toutes les grandes villes de France à la fin du XIXe siècle.
Les passe-boules en papier maché (qui étaient plutôt des jeux d’intérieur, car plus fragiles) étaient sculptés soit en ronde bosse (avec des moulures de tous les côtés, ou bien en demi-ronde bosse, avec des sculptures très marquées mais seulement sur une face, ou encore en relief avec un modelage de surface ne dépassant pas 3 cm.
Leur fabrication faisait appel à de nombreux artisans : le menuisier pour le bâti en bois, un modeleur pour la création du sujet en terre glaise, un mouleur pour la création des moules et contre-moules, un peintre-décorateur pour la mise en couleur et un ouvrier assembleur pour les finitions et fixations !
Voyons maintenant ceux qui sont passés entre mes mains !
Ce célèbre tennisman des années 30, Jean Borotra, surnommé « le basque bondissant », avait la nuque bien accidentée ainsi que l’arrière de ses jambes, le béret bien abîmé et décoloré par le temps. (photos ci-dessous)
J’ai donc réparé son cou, son béret, stabilisé sa position debout sur son socle et fait des retouches pour redonner un peu de couleur à son béret et ses chaussures qui étaient rouge (basque) à l'origine. J'ai fait des reprises de teinte sans excès pour lui garder sa patine d’antan, à la demande de son propriétaire. Voici le résultat.
J’ai eu également à restaurer une tête de tigre qui avait perdu les crocs de sa mâchoire supérieure et qui, ne pouvant plus déchiqueter ses proies, avait bien besoin de soins dentaires.
Voici des photos avant et après restauration (reconstruction des dents avec du papier japon encollé par couches successives jusqu'à obtention du volume recherché, la même chose pour les oreilles et le pourtour du masque assez abîmé - puis reprise de teinte sur toutes les parties où la peinture avait sauté).
On m’a confié un autre passe-boules à roulettes, un joueur de golf, qui fait le pendant avec le tennisman cité plus haut car de même dimension, en ronde-bosse également et lui aussi monté sur un socle mobile.
Il avait également un problème de stabilité au niveau des talons ainsi que le fonds de culotte bien usé mais tout ceci une fois réparé, il fallait qu'il reste dans son jus... donc peu de retouches de teinte à faire.
J’ai aussi beaucoup aimé remettre en état ce garde-champêtre pour lequel il a fallu faire des recherches pour retrouver par exemple les couleurs de sa cocarde. Il m’a fallu déceler de toutes petites traces de peinture pour retrouver la teinte de ses vêtements, de ses cheveux, de ses yeux… Comme vous pouvez le constater, ses pieds ont été arrachés, son visage et ses yeux n’avaient plus de couleur...
J'ai donc passé énormément de temps à le recouvrir de petites bandelettes partout où le carton était à nu et où il y avait des manques (bras, pieds, vêtements, chapeau, besace,...)
J'ai reteinté très légèrement le visage, l'important était de lui rendre tout de même son expression souriante pour lui redonner vie.
Le passe-boules suivant représente un chasseur et ses chiens qui courent après un lièvre et qui reviendront sans doute bredouille ! En effet, le lièvre (dont il manquait tout l’arrière-train) a juste eu le temps de rentrer dans son terrier. J’ai dû remodeler ses pattes arrière à la place du trou béant dans la sculpture et compléter le rocher autour. J'ai eu quelques finitions et retouches à faire au bord du noeud de l'arbre et du trou de sortie de la balle de chiffon avant de rendre cet objet à son propriétaire.
Pour finir, mon préféré, en demi-ronde bosse : un polichinelle à califourchon sur le nez de la lune, lune qui fait beaucoup penser à celle de Georges Méliès dans son film muet de 1902 « le voyage dans la lune » …Il date de la même époque.
Comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous, les bandes du pullover jaune et noir de polichinelle étaient très effacées, ses mains abîmées, on ne distinguait plus le petit ruban bleu qui courrait sur les bords de sa chemise blanche et de ses manches et encore moins les petites croix dorées sur son pantalon. Les pointes de son bonnet était un peu lacunaires, les ballerines, très décolorées, et il était excessivement encrassé. Le plus dommage, c'est que la lune avait perdu sa couleur mordorée avec ses expressions cuivrées au coin des yeux et de la bouche. ....
Là encore, il a fallu passer beaucoup de temps pour le remettre en état et faire toutes les retouches de teinte.
Je n’ai pratiquement pas touché au visage mais j’ai pu lui redonner une petite vivacité dans l’oeil !
Le travail final a été de faire des pochoirs pour pouvoir numéroter les 3 cases au niveau du support. J’ai repris les chiffres indiqué sur un ancien catalogue de vente, comme ci-dessous.
Je m'arrête là pour aujourd'hui et j'en profite pour vous souhaiter une très belle année 2025, la santé, plein de trouvailles pour vos collections, et beaucoup de petits bonheurs dans votre vie quotidienne !
Suivez-vous l'émission "Affaire conclue" sur France 2 ? il a été vendu au enchères un passe-boules en bois à tête de lion il y a quelques mois !