
On m’a confié récemment un jeu de loto appelé « LOTO DROLATIQUE » dont le titre est également écrit en anglais « DROLATIC LOTO ».
Il contient 20 cartons bilingues, un sac de 90 jetons en buis, un petit sac de mises en verre découpé transparent et une corbeille en osier tressé.



Les sujets illustrés sur les cartons reflètent les loisirs et les soucis de l’époque : le canotage sur la Seine à Asnières, la mode de 1863, l’expédition de Chine, les fins de mois difficiles, l’acidité du vin d’Argenteuil, les embarras de Paris, les risques pris en bourse….
Le couvercle est illustré d’une très belle lithographie en couleur rehaussée d’aquarelle gommée dessinée par COUDERT, lithographiée par MAROTTE. Ce jeu est édité par NARCON.

Pour ceux qui voudrait en savoir plus sur cet éditeur de jeux, je ne saurais trop vous recommander la consultation du site « www.jeuxanciensdecollection.com » dans la rubrique "les jeux, par éditeur.
Tous les éléments de la boîte (fond, couvercle et côtés) étaient complètement déformés, désolidarisés et recousus ensemble pour un semblant de maintien par du fil, de couleur et de grosseur différentes, allant jusqu’à de la petite ficelle. Les coins de la boîte étaient inexistants, des morceaux de carton manquaient sur les côtés. Quant aux papiers, tout le doublage blanc était déchiré, perforé de trous d'aiguille et en mauvais état, la bordure cuivrée était en lambeaux, il manquait des morceaux de la frise bordant la lithographie et du papier à losanges sur les côtés. En ce qui concerne l’illustration, elle était très encrassée et tachée.

En premier lieu, avant de déposer tous les papiers et de mettre les cartons à nu, il faut faire des photos, bien noter toutes les côtes et le système de montage de la boîte ainsi que la façon dont les papiers se chevauchent pour reconstituer ensuite le jeu à l’identique.


La solution de facilité consisterait à recouper des cartons neufs pour les rhabiller ensuite avec les papiers d’origine. A mon sens, il faut impérativement garder aussi les cartons d’origine quel que soit leur état et le temps que l’on va passer à les reconstituer car le carton du milieu du 19e n’est pas le même que le carton du 21e siècle. Il a une « âme ». Le carton du 19e n’a aucune planéité, il est comme cotonneux, nuageux en surface, on voit qu’il est composé de toute sorte de matériaux hétéroclites : du son de diverses graines, de minuscules morceaux de journaux défaits, de la paille, du chiffon, il est lourd, mou et sans cohésion.
Et on retrouvera toutes ces caractéristiques lorsque le jeu sera restauré : on retrouvera en surface l’irrégularité du carton, on sentira sa densité, son poids. Une boîte refaite avec des cartons neufs serait trop rigide, aurait un aspect trop net, lisse, anguleux.

Je passe sur la mise en presse de tous les éléments en carton mouillé qui doit être faite ni trop tôt (sinon le séchage prend un temps infini), ni trop tard (sinon le carton gondole), ni trop longtemps (sinon le carton moisit) avec une pression différente en fonction du stade de séchage.

La difficulté du montage de cette boîte est que les côtés ne sont pas fixés sur le bord du fond et du couvercle mais en retrait de quelques millimètres. Cela complique un peu la fixation et la bonne tenue de l’ensemble. D’autre part, il faut que l’emboîtage de la partie supérieure sur la partie inférieure soit parfait, sans trop de jeu. Si l’emboîtage est un peu trop juste, on paraffine les angles intérieurs pour éviter le frottement qui peut entraîner la déchirure des papiers à ces endroits-là.
En ce qui concerne les manques de papier de recouvrement des côtés et de la frise bordant la litho, il a fallu les reconstituer à l’identique en partant d’une photocopie laser. Les couleurs des photocopies n’étant jamais vraiment satisfaisantes, il a fallu retravailler celle-ci jusqu’à obtenir les teintes semblables.
Voir photo ci-dessous : à droite le papier d’origine, à gauche le papier refait à l’identique.

Une fois tous les papiers réunis, il faut nettoyer la lithographie aquarellée. Ce travail ne peut se faire qu’à sec du fait des ajouts d’aquarelle gommée sur la couleur d’impression.
avant restauration
Il faut ensuite, recouvrir la boîte de ses 5 papiers différents (papier intérieur, papier de recouvrement des côtés à losanges, bandes de papier cuivré pour les séparations intérieures et les bordures extérieures, lithographie, frise à cheval sur la litho et la bordure cuivrée/dorée) en suivant bien le schéma que l’on a pris soin de noter au démontage.
Après restauration


Quelques retouches de finition et un collectionneur heureux de retrouver ce témoin de notre patrimoine à peu près dans le même état que lorsque les enfants y jouaient en cette fin du 19e !





Et la corbeille en osier remise en forme en prime !