ou plutôt, pour être exact : "LES AVENTURES DE TINTIN REPORTER DU PETIT VINGTIEME AU PAYS DES SOVIETS"
Cet album de 1930 est le tout premier de la série des aventures de Tintin.
Il est émouvant d’assister à la naissance des principaux personnages qui tiendront en haleine des millions de lecteurs sur des décennies. C’est le vrai début de la carrière d’Hergé.
Notre journaliste reporter Tintin et son chien Milou ont bien évolué depuis ces premières planches !
Tout le monde connaît le profil de Tintin et de Milou des derniers albums des années 70. Et bien voyez la silhouette qu’ils avaient en 1930 !
Le nom du chien vient d'une ancienne petite amie de l'auteur, Marie-Louise Van Cutsem, surnommée justement « Milou »
Quant à Tintin (le précédent héros d’Hergé s’appelait Totor…), Hergé l’a habillé de culottes de golf car il en portait de temps en temps et lui a donné un visage très simple et neutre pour que chacun puisse s’identifier à lui.
Le dessin est très épuré. C’est le tout début de la ligne claire. Hergé a été très influencé par Alain Saint Ogan et son Zig et Puce. Benjamin Rabier a aussi été une grande source d’inspiration pour ses dessins d’animaux.
Comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessus, chaque planche se compose en majorité de six cases carrées, et de temps en temps de cases panoramiques (c’est-à-dire un strip d’une seule case). Ce n’est qu’après les débuts de Quick et Flupke qu'Hergé diversifiera la taille des cases.
Les Tintin en couleurs plus récents peuvent contenir plus d’une quinzaine de cases par planche.
En voici un exemple dans Le crabe aux pinces d’or :
Contrairement à d’autres albums parus en noir et blanc au départ et qui ont ensuite été réédités en couleur, Tintin aux pays des Soviets n’a jamais été retravaillé par son auteur (il le trouvait mauvais) et seul un fac similé a été édité en 1981 sous la pression et la demande du grand public (l’album était introuvable), et d’autant plus que de nombreuses éditions pirates circulaient, ce qui représentait un manque à gagner pour l’éditeur CASTERMAN .
En avril 2006, l'un des 500 exemplaires numérotés de Tintin au pays des Soviets est vendu aux enchères chez Artcurial pour 60.180 euros. À cette date, jamais un album de bande dessinée ne s'était vendu aussi cher !
Mais parlons de celui qui est passé entre mes mains. C’est un album de la série du sixième mille. Le premier tirage, ou tirage de tête a été de 500 exemplaires, les suivants étaient de mille exemplaires, d’où le premier mille, le deuxième mille, le troisième mille, etc…
Mes photos précédentes vous ont déjà donné un aperçu de l'état dans lequel on m'a confié cet album. En voici d'autres :
gros scotch de peintre sur la couverture et vieil adhésif ayant viré au marron imprégné dans le papier
Il a fallu bien sûr défaire ce qu'il restait de la couture, enlever tous les scotchs, défroisser chaque page, déplier chaque pli. Ces mises à plat une fois faites, j'ai eu un gros travail de reconstruction des cahiers, une bonne partie des fonds de cahiers n'existait plus, les 2 premières pages avaient la marge de gouttière coupée (manque de 3 cm), certaines pages avaient des manques, des déchirures, certaines marges de bas de page ou de gouttière étaient toutes en dentelle.
Avant de reconstituer tous les cahiers, j'ai dû reteinter les traces marron laissées par les adhésifs. En effet, ces traces sont indélébiles, aucun solvant ne peut les enlever. Il faut donc masquer ces bandes disgracieuses après ponçage.
La dernière page avait en prime une frise de tampon "fin" marquée à l'encre que j'ai réussi à enlever en faisant un micro-ponçage après un doublage au papier japon très fin au verso.
Tout est prêt maintenant pour la couture.
Parallèlement, les plats étant libres, je vais pouvoir les nettoyer et travailler dessus pour réparer les coins, retirer les gros adhésifs et masquer les taches et vilaines traces qui les ont enlaidis.
Reste à remonter les plats, faire le dos, teinter une toile bleu à l'identique de la toile d'origine et la poser sur ce dos.
Il fallait une certaine dose d’inconscience pour prendre un livre dans cet état ! Plus de 50 heures de travail ! Mais au final la satisfaction d’un beau résultat et d’une résurrection pour cet exemplaire plutôt exceptionnellement rare à trouver en bel état.