Il y a eu une grande mode au cours du siècle dernier, celle de transformer de beaux livres anciens plein cuir en boîtes à secret.
Des bibliothèques privées entières ont été vendues et récupérées par des libraires n’ayant pas trop de scrupules dans le but de fabriquer une quantité de livres-objets permettant de relancer les ventes des livres anciens.
Ils ont en effet été transformés pour divers usages : boîte à chapelet dans des missels, boîtes à musique avec remontoir , boîte à revolver, boîte pour cacher des lettres, des bijoux, de l’argent. Les ouvrages étaient même quelques fois collés les uns aux autres par 2 ou par 3 pour obtenir une cachette d’une plus grande contenance.
Des ouvriers étaient employés à découper les feuillets de ces beaux ouvrages, à coller les pages entre elles pour y ménager une grande ouverture, les gainer de papier marbré, orner ensuite le premier plat de dorures récentes afin d’accrocher davantage l’œil du chaland. Pour faire des boîtes de profondeur plus importante, Il fallait alors non seulement découper les pages mais également les couvertures des livres empilés.
Des livres remarquables ont ainsi été sacrifiés. Celui dont vous allez suivre la restauration était un ouvrage plutôt intéressant : il s’agissait de l’encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers – tome III
Elle a été éditée sous la direction de Diderot et d’Alembert. Il s’agit ici de la 3ème édition parue en 1777 alors que la première parution date de 1751 à 1772. C’est en fait la première encyclopédie française. Elle correspond bien à l’esprit du siècle des lumières. On peut supposer que les autres tomes ont subi le même sort.
Je vous laisse juger de l’état de cet ouvrage avant restauration :
Comme vous pouvez le constater sur les photos ci-dessus, le livre n’a plus sa coiffe de tête, la coiffe de queue est très lacunaire, il manque également un morceau du dos.
Les coins sont dénudés et tout arrondis, le mors du premier plat est fendu, les plats et les chants sont très frottés et épidermés.
Pour pouvoir manipuler ce livre sans l’endommager davantage, il me fallait en premier réparer le mors du plat supérieur. J’ai teinté un morceau de cuir en veau naturel de la couleur de la couvrure d’origine.
J’ai ensuite refait des tranchefiles à l’identique de celle d’origine : de la ficelle de chanvre recouverte d’un morceau de peau.
Pour les coiffes, j’ai rattrapé l’épaisseur manquante par de nombreuses couches de papier japon moulées sur la tranchefile. Les dernières couches ont été poncées pour que la fine pièce de cuir découpée à la dimension de la lacune soit parfaitement lisse et épouse parfaitement la forme désirée.
Il restait à donner un meilleur aspect à la couvrure. De nombreuses retouches de teinte ont été nécessaires pour uniformiser la couleur du cuir. Et pour finir un lustrage, et le tour est joué !
Pour terminer cet article, voici les photos d'un autre livre-boîte à musique fabriqué à partir d'un livre religieux de 1828 "Les souffrances de Jésus-Christ".
A restaurer prochainement...