Les jeux de théatre d’ombres sont très à la mode à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Je vous parlais de castelet dans mon dernier article, aujourd’hui ma restauration porte sur un théatre miniature, quoique la boîte ait des dimensions plutôt généreuses : 53 x 43 x 10 cm !
Le centre de l’illustration représente une danseuse qui fût très en vogue entre 1891 et 1902, Loïe FULLER. Cette américaine invente une nouvelle chorégraphie. Elle révolutionne les arts de la scène en dansant sur un carré de verre éclairé par en dessous, sculptée par les faisceaux de dizaines de projecteurs latéraux, noyée dans des flots (parfois des centaines de mètres) de tissu léger. Fuller, métamorphosée par la couleur, emplit l’espace scénique de ses formes lumineuses en mouvement. Dans certaines de ses pièces, des miroirs stratégiquement placés et des jeux d’éclairages savamment étudiés démultiplient son image à l'infini. Elle devient l’une des artistes les plus importantes et les mieux payées dans le monde du spectacle mais dès 1902, elle est éclipsée par sa compatriote Isadora Duncan.
En 1900, son image fait vendre et c’est pourquoi elle est représentée sur ce type de jeu.
A l’intérieur, on trouve un théatre avec un écran de soie ou de toile blanche très fine permettant de jouer des saynettes en ombres chinoises avec des découpis montés sur de petites baguettes de bois.
On pouvait également faire défiler des papiers kaleïdoscopiques. Nous sommes en pleine période des découvertes des effets d’optiques, des kaléidoscopes à cristaux, des jeux d’anamorphoses, des lanternes magiques…
Dans ce théatre d’ombres, on pouvait également admirer des lithographies représentant des éléments marquants de l’exposition universelle de 1900 : un feu d’artifice donné au-dessus du Pont Alexandre III à Paris, le palais de l’électricité, la « grande roue de Paris » attraction nouvelle de cette exposition. Ces grandes lithographies montées sur des cadres en bois sont perforées de petits trous qui laissent passer une lumière projetée pour éclairer les scènes, on les appelle " tableaux pyriques ".
Je crois que c’est une des restaurations les plus longues que j’ai eu à effectuer jusqu’à présent du fait de l’état de la boîte à l’origine, de ses dimensions, du nombre d'éléments différents à réparer et à reconstituer. Il manquait un côté du couvercle, un côté de la boîte a dû également être changé car il en manquait une partie, il a fallu refaire un montant intérieur, reconstituer du papier de décor, des parties de frise absentes, remonter le fond de la boîte qui avait été monté à l’envers lors d’un semblant de restauration antérieure… et surtout reconstituer un théatre dont il ne restait plus que la façade et réparer tous ses accessoires !
Voici l'état de l'objet avant restauration :
Il serait fastidieux de vous lister toutes les étapes de la restauration(environ 80) mais pour vous donner une idée de l'ampleur de la tâche, voici le point de départ ci-dessous : les montants de bois brut d'un côté et tous les papiers décollés et récupérés de l'autre !
L'autre partie du travail qui a pris beaucoup de temps a été le démontage des 4 lithographies sur cadre qui étaient toutes déchirées, leur réparation, leur doublage, le comblage des lacunes, les retouches et la mise à la teinte des parties manquantes.
J'ai dû aussi reconstituer un théatre pour lequel je n'avais plus que la façade, le but étant que l'on puisse y glisser les cadres avec les illustrations de l'exposition universelle de 1900, jouer des saynettes en ombres chinoises derrière l'écran et dérouler le papier kaléïdoscopique. Il a donc fallu découper 4 montants en bois recouverts de papiers anciens, prévoir une fente pour glisser les cadres et l'écran, monter des rouleaux pour le défilement du papier. Et là, s'est posé le problème des manivelles pour actionner les rouleaux, dont je ne disposais pas et que je ne savais pas fabriquer, n'étant pas une spécialiste du métal et des soudures. C'est ici qu'est intervenu un collègue restaurateur, Klaus LORENZ*, que je remercie ici chaleureusement.
Grâce à une photo et un croquis, Klaus m'a confectionné 2 petites manivelles qui permettent de faire défiler le papier d'un rouleau à l'autre. Cela m'a permis de remonter le système tel qu'il devait être à l'origine.
Voici ci-dessous quelques photos de la boîte et du théatre en cours de réparation et une fois terminés.
* Klaus Lorenz - Catherine Oudoin Lorenz
restaurateurs d'objets d'art - habil. Musées de France
le Bourg 46200 Pinsac 05 65 32 61 91 atelierlorenz@aol.com
Spécialisé dans les métaux, mécanismes et automatismes, objets composés de nombreux matériaux ...