Ma cousine, professeur de musique, m’a confié un écran à main à restaurer, cadeau de son père antiquaire , en lien avec son métier et sa passion.
Mais de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un objet incontournable au XVIIe et au XVIIIe siècle à proximité des cheminées. En effet, cet accessoire avait pour but de protéger le visage délicat des femmes des ardeurs du feu. Il servait aussi à chasser les mouches et à s’éventer.
vous trouverez ci-dessous une gravure d'après Etienne Jeaurat (1744) appelée "l'accouchée" (détail), representant une femme assise tenant un écran à main.
Contrairement à l’éventail qui était un objet précieux, sujet à tout un langage sophistiqué en fonction de la façon dont les femmes l’utilisaient, et qui complétait la toilette, l’écran à main n’était qu’un objet usuel et fonctionnel, qui n’était pas considéré comme objet de luxe. Il était donc jeté au feu dès qu’il était un peu roussi par les flammes et qu’il avait donc rendu son office …
La plupart des écrans du XVIIIe sont montés sur un petit manche en bois plus ou moins chantourné qui remonte jusqu’au tiers de la hauteur de l’écran. Celui-ci a un manche en ivoire qui n’est pas d’origine mais qui lui donne une certaine préciosité.
Les écrans à main se composent donc d’un manche en bois, en os ou en ivoire dans la fente duquel est glissée une feuille de carton doublée recto verso d’une feuille de papier , fixée à celui-ci par deux petits clous.
Un écran n'est donc ni rétractable, ni pliable : sa rigidité exclut son usage à l'extérieur, où il s'avèrerait fragile et encombrant. Il ne sort donc pas du cadre des boudoirs et des petits appartements. Ceci explique leur rareté et le peu d’exemplaires dans les réserves de nos musées puisqu'il était jeté sans état d'âme après usage.
Les sujets illustrant ces écrans étaient variés et avaient pour but d'intéresser les esprits du temps, soit en les instruisant, soit en les divertissant. Ils représentaient des vues pittoresques, des cartes géographiques, des fables, des rébus, des ariettes …
Celui qui nous intéresse ici représente au recto un oiseau jouant du violoncelle (thème assez fréquent) et au verso une ariette que l’on retrouve aussi très souvent sur les écrans du fabricant « Petit ».
Jacques Etienne Petit (1724-1801), marchand papetier, avait, semble-t-il, pratiquement le monopole de la fabrication et du commerce des écrans à main durant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle à Paris.
Beaucoup de pièces de théatre ont été illustrées sur ce support et ont fait l’objet de séries. Ce choix reflète en réalité le goût de la Cour de Louis XVI où la plupart de ces pièces ont été jouées . Cela correspond aussi à l'engouement de la reine Marie-Antoinette et de son entourage pour l'opéra-comique. Bien que ces objets aient été largement diffusés à l’époque, ils ont souvent été réalisés par des artistes anonymes, ils avaient une faible valeur marchande et avaient pour vocation de disparaître dans les flammes. Le matériau dont ils étaient faits (un carton mince pris en sandwitch entre 2 feuilles de papier) était fragile, sujet à l’humidité, aux insectes et aux rongeurs.
Voici l'état dans lequel se trouvait l'écran qui m'a été confié (pliure en son milieu, auréoles, taches de suie, de cire, poussière, déchirure, usure et pliures sur le pourtour, frottement du décor gouaché) :
En ce qui concerne sa restauration, je ne pouvais pas nettoyer le verso très taché sans décoller la feuille en question. J’ai donc pu délicatement déposer cette feuille imprimée en noir et blanc pour pouvoir la traiter en bain. Cela m’a permis d’éliminer les auréoles et d’atténuer les taches de suie sans toutefois pouvoir les éliminer totalement, la suie ayant imprégné les fibres du papier. J’ai pu également réparer la déchirure en bas à droite près du manche.
Quant au recto peint à l’aquarelle et à la gouache, j’ai fait toutes les retouches nécessaires pour masquer la tache grasse en haut et à gauche et reprendre tous les éclats de gouache qui avaient sautés. J’ai retiré les quelques taches de bougie s’y trouvant, j’ai aussi consolidé et aplani la pliure existante à l’horizontale à la hauteur du manche sur l’écran. Pour terminer, j’ai recolorié tout le feston rose qui bordait l’écran et qui était très effacé.
Après une bonne mise à plat en presse, toutes ces interventions lui ont redonné une nouvelle jeunesse et un aspect plus pimpant.
Source : http://www.collectiana.org/nathalie-rizzoni-les-ecrans-a-main-et-l-eventail-de-blaise-et-babet-1783.html
N’hésitez pas à contacter Nathalie RIZZONI sur sa messagerie (Nathalie.Rizzoni@paris-sorbonne.fr) si vous avez des éléments à lui communiquer sur ce sujet ou des écrans à identifier.
Si vous voulez également approfondir vos connaissance dans ce domaine, je vous recommande les articles rédigés par Georgina Letourmy et Daniel Crépin dans les parutions du « Vieux Papier » du n°403 au n° 412. Ces 2 experts en la matière ont également rédigé un article sur Jacques-Etienne Petit, marchand papetier de la 2ème moitié du XVIIIe, réputé pour ses écrans à main (Le Vieux Papier N° 420 et 421)